Fin février 2000, c’est encore le cœur de l’hiver en Sibérie. Cette fois-ci, Rodolphe André est de retour pour accompagner Arnaud dans cette aventure incroyable : traverser l’océan Arctique en autonomie, soit 1 800 km à pied, en tirant chacun un traîneau de 175 kg sur la banquise océanique. En effet, à la différence des îles de l’Arctique où les glaces sont stabilisées par les terres, l’océan Arctique est totalement démonté et chahuté en permanence par des courants marins et des vents qui le balaient. La banquise à sa surface est continuellement brisée puis regelée par les froids intenses figeant un paysage d’apocalypse ou s’enchainent des crêtes de plusieurs mètres liées à la compression des glaces ou des zones ouvertes d’eau libre quand les courants la morcèlent.

La dérive continue des glaces oblige les deux hommes à faire un point GPS au coucher et au lever afin de contrôler de combien de kilomètres ils se sont déplacés pendant la nuit. Leur record de vitesse sera de 24 km en 24h en pleine tempête, soit un déplacement constant d’1 km/h assis sous la tente. Des côtes russes au Pôle Nord, la banquise leur offrira 50 km sur 1000 km parcourus, mais du pôle au Canada, elle leur reprendra 200 km sur les 800 km annoncés, leur volant chaque nuit les précieux kilomètres parcourus avec effort pendant la journée.

Ils prévoient 100 jours de nourriture chacun. Arnaud a calculé au gramme près chaque portion : 990 g pour 6200 kcal par jour, dont 67% d’huile pour l’effort et surtout pour résister aux conditions climatiques exceptionnellement éprouvantes. La température descendra plusieurs jours durant sous les -45°C, atteignant même -56°C mesurés sous la tente. Ajoutons à cela le vent permanent qui balaie la banquise en ouvrant des brèches d’eau (plus ou moins vite regelées) qui amène une hygrométrie proche des 100%. Aussi bizarre que cela soit, il y a sur les glaces de l’Arctique 100% d’humidité, même au-dessous de -45°C !

Cette humidité permanente empêche de sécher complètement la transpiration dans les vêtements. Cette dernière va geler à l’intérieur de la dernière couche de vêtements, obligeant les hommes à frotter à la brosse toute cette eau accumulée sous leur parka pendant la marche. La journée ils transpirent et le soir ils frottent pour enlever au mieux cette transpiration restée emprisonnée.
Ils partiront de la côte nord des dernières îles russes, le 28 février 2000 pour atteindre le Pôle Nord 62 jours plus tard, le 30 avril 2000. Ils continuent vers le Canada et le 8 mai, Arnaud retrouve dans son traîneau 5 l de fuel (utilisé pour le réchaud) renversé sur ses rations, qu’ils sont obligés de jeter.
Les voilà donc en rationnement, tout en étant obligés d’augmenter leur temps de marche à 12h puis 14h par jour, face à la banquise dérivante en sens contraire, qui les repousse chaque jour des côtes canadiennes.
Les voies d’eau sont de plus en plus présentes et ne regèlent plus avec les températures qui frisent le 0°C. À 50 kilomètres des côtes qu’ils aperçoivent nettement devant eux, Arnaud chute dans des blocs de glace le 6 juin 2000. Commotion cérébrale, côtes cassées et rotule impactée. Il ne peut plus marcher et Rodolphe déclenche les secours qui mettront 6 jours à les sortir de là, grâce à un hélicoptère envoyé par l’armée canadienne. Ils auront touché du doigt leur rêve : 106 jours d’effort pour voir les côtes canadiennes sans jamais pouvoir les atteindre.

Ils entrent dans le cercle très fermé des 5 explorateurs polaires ayant traversé l’océan Arctique en autonomie.
Ils en tireront un film de 52 min produit par Gédéon programmes : « La grande traversée » qui sera diffusé sur France 2 en 2001 ainsi qu’un livre qui sortira en 2002 sous le titre : « Les amoureux du pôle ».
« Quelques images du film ».

